Le 6 janvier 2022, le ministre de l’Éducation nationale a convié les syndicats représentatifs des personnels à une visioconférence pour faire un point sur le fonctionnement de l'enseignement scolaire en pleine vague au variant Omicron. Retour du Sgen-CFDT sur cette réunion ministérielle.
Pendant les vacances scolaires et depuis la reprise des cours le 3 janvier 2022, le ministère échange régulièrement en bilatérale avec les organisations syndicales représentatives sur la situation sanitaire.
Après une multilatérale le 30 décembre 2021, cette nouvelle réunion ministérielle en présence du ministre visait à faire un premier point sur les premiers jours de fonctionnement des écoles, collèges et lycées.
Après la réunion, une nouvelle version de la foire aux questions a été publiée sur le site du Ministère de l’Éducation nationale.
Les évolutions ont pour objectif de répondre à des problématiques que les organisations syndicales avaient soulevé dans leurs échanges bilatéraux.
Pour le Sgen-CFDT, ces évolutions ne sont pas toutes satisfaisantes et nous poursuivons donc les échanges avec le Ministère pour obtenir d’autres avancées.
Il est cependant assez clair que la puissance de la vague épidémique ne permet pas un fonctionnement satisfaisant du système éducatif et impose une pression extrêmement forte à tous les personnels, aux élèves, à leurs familles.
Déclaration intersyndicale
Une déclaration intersyndicale rassemblant le Sgen-CFDT, la FSU, l’UNSA-Education, la FNEC-FO-FP, la CGT, le Snalc et Sud a été lue :
Monsieur le Ministre,
En ce début d’année, les personnels qui sont engagés au quotidien, bien au-delà de ce qui serait normal pour faire fonctionner le service public d’éducation sont fatigués et en colère.
Une nouvelle fois, des modifications importantes des conditions du protocole sanitaire ont été dévoilées d’abord à la presse.
A moins de 24h de la rentrée,nous avons découvert sous le bandeau « exclusif » du Parisien vos premiers mots, sans pouvoir prendre connaissance immédiatement des mesures pour la rentrée puisque l’article était payant et qu’il n’y a pas eu d’envoi direct immédiat à tous les personnels.
Encore une fois, la communication médiatique prend le pas sur la communication à destination des personnels de l’Éducation.
Ce n’est pas la première fois que vous agissez ainsi depuis le début de la crise sanitaire.
Ce mode de fonctionnement n’est pas respectueux des personnels : il met sous tension tout le système éducatif, les personnels courent après les différentes sources d’informations et sont confrontés aux très nombreuses questions des familles, sans pouvoir y répondre. Et ce n’est pas l’argument de coller au plus près des chiffres épidémiques qui peuvent convaincre familles et personnels du bien-fondé de cette méthode alors que les modélisations sont connues depuis des semaines.
Enfin, ce mode de communication envoie le signe, inacceptable, d’une forme de relégation des préoccupations des personnels qui passent alors après des impératifs de communication politique.
Les premières étant pourtant bien plus essentielles à l’École que les seconds. Les discours qui s’adressent plus à la population générale qu’aux agents ajoutent à cette fatigue et cette colère. Vous affirmez sans cesse être le ministre de l’ «École ouverte».
Cette expression est devenue votre première et souvent unique réponse aux nombreuses interpellations, en particulier les nôtres, vous demandant des moyens et des protections pour les personnels dans les écoles et établissements scolaires, avec un protocole viable, adapté à la réalité et permettant ainsi de tenir dans la durée.
Cette réponse nie les vraies questions et les vrais problèmes que nous posons et elle jette l’opprobre sur les personnels et les organisations syndicales, soupçonnés de vouloir fermer les écoles, collèges et lycées, face à un ministre déterminé, lui, à les garder ouverts. La répétition de ce discours, déconnecté des réalités que vivent nos collègues, est insupportable, alors même que depuis 20 mois, les personnels portent à bout de bras le service public d’Éducation.
Le fonctionnement de notre système éducatif en période de crise sanitaire mérite autre chose que ce débat binaire « école ouverte/fermé » que vous entretenez.
Faut-il alors, encore une fois répéter notre volonté que l’École reste ouverte alimentant un débat qui, pour les professionnels de l’Éducation et nos organisations n’a pas lieu d’être ?
Nous réaffirmons surtout que nos écoles, collèges et lycées doivent avoir les moyens de fonctionner – en particulier par la création de postes en ayant recours aux listes complémentaires –, avec des conditions d’études et de travail respectueuses des élèves et des personnels et bénéficier d’une politiques de protection et de prévention à la hauteur des enjeux sanitaires, scolaires et sociaux.
Intervention du Sgen-CFDT
L’impact de la situation sanitaire
Le Sgen-CFDT réaffirme que la pandémie ne doit pas suspendre le droit à l’éducation, et que ce droit est évidemment mieux garanti par un enseignement en présentiel.
Compte tenu de la durée de l’épidémie, de la puissance des vagues successives, du fait que chaque variant est plus contagieux que le précédent et touche davantage les plus jeunes, assurer le fonctionnement du système d’éducation et de formation implique des investissements, de dépenses et des réorganisations.
Si des décisions récentes vont dans ce sens, y compris l’annonce ce matin par le Premier ministre de la fourniture de masques chirurgicaux non pas seulement aux enseignant.e.s mais à l’ensemble des personnels des écoles, collèges et lycées (nous espérons que c’est bien cela que vise le gouvernement).
En l’état, au risque de santé physique (la contamination ne génère certes pas toujours une forme grave, mais elle peut se traduire aussi par un covid long, et n’est donc pas anodine), s’ajoute un niveau élevé et assez généralisé de risques psychosociaux.
C’est ce qui ressort des contacts que les militantes et militants du Sgen-CFDT ont au quotidien avec les agents sur les lieux de travail. C’est ce qui ressort des enquêtes qui sont en cours dans plusieurs académies.
Nos collègues sont exténués, non seulement par ces premiers jours de travail souvent très perturbés par l’épidémie, mais par une fatigue qui est celle de la société dans son ensemble comme l’analyse le dossier élaboré par la CFDT et la Fondation Jean Jaurès.
La pandémie dans sa durée, sur la durée, et pas uniquement dans les moments de crise aiguë que sont les vagues a un impact important sur le travail des agents.
Cet impact n’est pas épisodique, il ne tient pas seulement aux « vagues ». Il doit être reconnu, il doit être dit. L’engagement des agents doit être reconnu, les difficultés réelles du travail doivent être reconnues y compris par des éléments de rémunération spécifiques.
Résoudre ces tensions est indispensable pour préserver le système éducatif, car nombre de nos collègues sont au bord de la rupture.
Cela passe par un changement de discours mais aussi des mesures à la hauteur de la priorité proclamée à l’éducation, nous avons entendu les mots du Premier ministre ce matin sur les masques et sur la communication du protocole qui n’a pas été satisfaisante, nous apprécions qu’enfin le ministère prévoit des allègements pour certains personnels et ait un discours plus incitatif sur la qualité de l’air. C’est important mais cela ne suffira pas, et tout ne sera pas efficace tout de suite.
Une situation sanitaire dégradée, une stratégie intenable
Depuis le début de la pandémie, nous considérons que le système éducatif doit prendre sa part à l’endiguement des contagions, et à la préservation du système de santé. Aussi, la réflexion sur l’Ecole ne peut être isolée totalement de la réflexion sur les mesures pour la population en générale.
Aussi pour le Sgen-CFDT il faut le réaffirmer :
- la vaccination est la meilleure protection contre les formes graves de la maladie et donc saturation des urgences, schéma vaccinal à jour continue de diminuer le risque d’infection mais il n’assure pas le risque zéro de contamination et il faut donc une stratégie de prévention combinée
- il faut donc continuer à inciter à la vaccination pour toutes les tranches d’âges qui sont éligibles, il faut résoudre problématique d’accès à la 3ème dose pour les personnels les plus jeunes (moins de 30 ans)
- il faut réduire les chaînes de contamination pour limiter (mais c’est 10j après que cela se joue) les hospitalisations : l’organisation du système éducatif doit y prendre sa part.
Dans le contexte de vague épidémique actuelle, la doctrine d’accueil des élèves, la stratégie pour réduire les absences des personnels liées au covid, et les absences d’élèves liées au covid tout cela ne tient pas, est intenable :
- le contact tracing est inopérant et épuise tout le monde, il y a de la confusion dans les règles sur l’isolement selon contact dans le cadre scolaire, hors cadre scolaire et en particulier quand le cas confirmé est dans la famille
- l’accès aux tests très difficile et les résultats longs à obtenir de nouveau
- finalement l’accueil est souvent impossible ou très partiel, la discontinuité pédagogique majeure
- risque de chaines de contamination qui s’allongent de répétition à échéance très courte de la séquence cas contact, test, retour en établissement, recas contact… des élèves et des personnels sont et seront présents en pointillé
Nous vous demandons d’affirmer clairement que les enseignants que les enseignants qui exercent leur service en présentiel n’ont pas à assurer en plus un enseignement à distance, et d’assurer que cela soit respecté dans toutes les académies.
Compte-tenu de la circulation actuelle du virus, la non fermeture de classe génère presque plus de difficulté que la fermeture à un cas pour une durée à déterminer en tenant compte de la durée d’incubation et de contagiosité :
- les familles n’ont pas d’attestation de fermeture et cela peut rendre les choses difficiles avec leur employeur
- le travail enseignant est rendu plus difficile car le groupe d’élèves n’est pas le même parfois d’une demi-journée à l’autre
- la difficulté à faire tester, les délais d’obtention du résultat du test mettent tout le monde en tension, il faut d’ailleurs sécuriser les agents cas contacts ou ayant des symptômes évocateurs du Covid sur leur position lorsqu’ils cherchent à pouvoir se faire dépister, lorsqu’ils attendent leur résultat, nous n’accepterons aucune perte de rémunération, mais il reste indispensable de se tester pour éviter de prolonger une chaine de contamination (au moment de la fermeture de classe et à la fin de la fermeture pour un retour plus sécurisé)
- l’énergie de toutes et tous serait mieux employée à une pédagogie à distance maîtrisée pour tous les élèves (sauf ceux qui sont malades symptomatique et sauf si l’enseignant est en CMO), à l’accompagnement des parcours des élèves
- nous avons besoin de précisions sur les modalités d’organisation de l’accueil des enfants de soignant dont la classe est fermée
Quelle que soit la durée de cette vague, l’année scolaire est perturbée par la pandémie, c’est la troisième fois consécutive, et pour les élèves de terminale par exemple, ils n’ont eu aucune année de lycée « normale :
- cela appelle des aménagements pédagogiques clairs et concertés :
- sur les programmes
- sur les conditions de l’évaluation et de la certification pour tous les diplômes
- ces aménagements doivent porter sur l’année 2021-2022 et rapidement pour ne pas mettre en porte à faux les personnels et les élèves,
- mais il faut aussi adapter les années suivantes sans être dans une logique de rattrapage d’un temps perdu, mais bien d’accompagnement des parcours des élèves
Depuis nos demandes répétées depuis de nombreux mois, depuis la fin décembre, le ministère et le gouvernement ont pris des décisions qui vont dans le bon sens :
- des éléments d’allègement et de priorisation du travail ont été décidés
- la reconnaissance de la nécessité de recruter : enseignants mais aussi administratifs dans les circonscriptions du premier degré
- le discours sur la qualité de l’air est plus clair et plus incitatif sur l’équipement en capteur de CO2
- l’équipement en masques chirurgicaux annoncés ce matin par le PM : confirmer que dotation couvrira bien tous les personnels qui exercent dans les écoles, collèges et lycées, titulaires ou non, les enseignant.e.s, les AESH, les AED, les CPE, les perdir…, nous souhaitons des précisions sur la qualité des masques qui seront fournis
Mais leur mise en œuvre se heurte parfois à la réalité :
- les recrutements sont difficiles, la DGRH le reconnaissait lors de la réunion qui a fait suite au dépôt de notre alerte sociale. C’est la raison pour laquelle nous demandions l’an dernier un collectif budgétaire non seulement pour des postes enseignants mais aussi dans l’ensemble des métiers de l’éducation nationale pour mieux sécuriser le fonctionnement du service public et mieux accompagner les élèves
- concernant les investissements pour la qualité de l’air, le démarrage est tardif et donc ce ne sera que rarement effectif pour cette vague, c’est nécessaire cependant car il y a des enjeux à moyen et long terme, enjeux structurels qui dépassent le seule contexte épidémique
- des académies rechignent à procéder aux allègements préconisés par le ministère, nécessaire le redire et préciser ce qui doit être suspendu et reporté, et élargir les activités à annuler, suspendre ou reporter
- ces mesures ne suffisent pas dans une période de crise aiguë comme celle que nous traversons : mieux vaut reconnaître que même sans fermeture généralisée des structures d’enseignement, le service public d’éducation ne fonctionne pas normalement afin de mieux prioriser l’activité des personnels pour réduire la pression subie
Il reste des sujets sur lesquelles nous voulons d’autres avancées rapidement :
- la fourniture de masques FFP2 pour celles et ceux qui le demandent, et toujours des agents qui en ont besoin plus que d’autres (personnels vulnérables, personnels qui exercent avec des élèves ne portant pas le masque, ou n’étant pas éligibles à la vaccination)
- le télétravail refusé dans les GRETA, rarement mis en œuvre dans les EPLE alors que ce serait possible
- dans les services déconcentrés, nous constatons encore des réticences au télétravail 3 jours par semaine pourtant décidé par le gouvernement, nous constatons qu’il n’y a pas toujours de réflexion sur l’occupation des bureaux pour mieux mettre en Å“uvre les gestes barrières.
L’essentiel des propos du ministre
Le ministre a adressé ses meilleurs vÅ“ux à l’ensemble des personnels de l’Éducation nationale et salué l’engagement exemplaire pour garantir un service public d’importance décisive pour le pays. Il a rappelé son engagement à défendre, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, la nécessité d’investissements massifs dans l’éducation (il l’avait déjà annoncé dans une réponse au Sgen-CFDT en octobre 2019).
Il dit avoir conscience de l’épuisement de toutes et tous dans une période difficile, où nous sommes tous pris dans des champs de contraintes complexes. Contraintes imposées par l’épidémie et les mesures sanitaires à prendre pour y faire face. Il a rappelé les décisions prises par le ministère de l’Éducation nationale depuis la fin décembre suite au propositions des différentes organisations syndicales.
Il se dit prêt à faire évoluer des choses afin de continuer à réduire la tension vécue par les personnels.
Il a entendu que, pour décrire la tension actuelle du système éducatif, l’usage du terme absentéisme qu’il entend sans connotation péjorative (rapport entre les absents et l’effectif attendu) a blessé. Il souligne que les professeur.e.s sont moins absent.e.s que d’autres professionnels de manière générale et qu’il le rappelle régulièrement. Pour ne plus heurter les personnels, il n’utilisera plus ce terme.
Concernant les aménagements pédagogiques et pour les examens, le ministre a rappelé le dispositif « je réussis au lycée » d’une part, et dit vouloir attendre d’être fixé sur le moment du pic de la vague avant de prendre des décisions sur les examens. Concernant la reconnaissance de l’engagement des personnels par de la rémunération, il entend la demande mais renvoie pour le moment aux mesures prises dans le cadre du Grenelle.
Pour le Sgen-CFDT, ces réponses ne sont pas suffisantes. Nous continuerons donc à intervenir pour que le gouvernement prennent mieux la mesure de la déstabilisation du système éducatif et reconnaisse l’engagement des agents pour ce service public qu’il estime prioritaire pour notre société.