Suppressions de postes : communication et vieilles recettes

L’annonce de suppressions de postes n’est pas agréable pour J.-M. BLANQUER, même s’il pense avoir préservé ce qui est l’essentiel pour lui, le premier degré. Il faut toutefois justifier ces suppressions, et expliquer dans les médias qu’elles sont possibles, sinon nécessaires.

Suppressions de postes : la forme pour cacher le fond

Pour les suppressions de postes, pour le ministre, la forme est ici plus importante que le fond, quitte à reprendre les poncifs de la droite sur les profs et quelques contre-vérités.

Par exemple, lors de cette courte interview sur France Inter le 17 septembre 2018 (à voir et écouter ici). Une petite étude ci-dessous pour décrypter le discours, en différenciant la forme des véritables mesures, tout en les remettant en perspective.

La forme, le fond et l’avis du Sgen-CFDT

Sur le volume des suppressions de postes

La forme

Pas question de mettre en avant les suppressions de postes. Avant de donner un chiffre, il faut d’abord parler d’une augmentation du budget général de l’Éducation nationale et d’une revalorisation du pouvoir d’achat des enseignants. Enfin (“je vais y venir”), le chiffre des suppressions est lâché, avec sa répartition, mais ce n’est pas important car, comparé à l’ensemble de l’Éducation nationale, c’est tout petit ! Puis on passe vite à autre chose.

Le fond

1800 suppressions de postes sont prévues, pour l’ensemble de l’enseignement, y-compris donc le privé. Au moins 400 postes administratifs, sans doute plus.
1400 postes enseignants du second degré environ, seront supprimés, dont 20% (environ 300) pour le privé. Sans doute plus car il y aura des créations dans le primaire et donc des suppressions équivalentes dans le secondaire. Il y a un rééquilibrage entre le primaire, sous-doté dans notre pays et le secondaire. Le ministre assume cette politique. Par ailleurs, le nombre d’élèves par classe (en primaire) baissera durant le quinquennat.

En fait (voir le Café Pédagogique) le volume des suppressions devrait aller bien au-delà de 1800: 2600 à 3200 compte tenu des emplois qui resteront vacants.

suppressions de postes

Ce que l’on peut en dire !

La vraie saignée est chez les administratifs, car 400 suppressions de postes, c’est énorme en proportion: dans l’académie d’Amiens, les administratifs représentent moins de 15% du chiffre des enseignants du second degré (environ 1700 pour près de 12000 profs), alors que dans les suppressions, c’est presque un tiers ! Les fusions d’académies qui se préparent sont-elles le réservoir prévu par le ministre pour éponger sa promesse ?

Le déséquilibre 1er/2nd degrés n’est pas faux et le choix de la priorité au primaire est défendable. J.-M. BLANQUER a sans doute réussi lors des arbitrages à préserver ce qui lui semble l’essentiel. Mais, le flou sur la balance de créations dans le premier degré et donc des suppressions dans le Second degré reste inquiétante.

Des heures sup. pour compenser ces suppressions de postes

La forme

Selon le ministre,il n’y aura pas plus d’élèves par classe car les suppressions de postes seront compensées par les heures supplémentaires (d’où l’augmentation de budget). Certes des classes de lycées sont à plus de 35, mais cela ne changera pas l’année prochaine (en plus ni en moins). Le ministre invoque de façon rapide des lycées ou des filières où les classes sont moins chargées, inégalités que résoudra la prochaine réforme des lycées.

Le fond

Les HSA seront donc plus nombreuses, avec en corolaire l’obligation d’accepter deux heures sup au lieu d’une actuellement.

Ce que l’on peut en dire!

Il s’agit du retour d’une mesure avancée sous les gouvernements de droite autour de 2010 : augmenter le nombre d’heures supplémentaires. Cela coûte moins cher au budget que de créer des postes. Et derrière on fait miroiter une augmentation du pouvoir d’achat des enseignants.
Quant à la réforme des lycées, c’est beaucoup forcer sur sa réalité que de penser qu’elle va casser les groupes classe et permettre de répartir les élèves harmonieusement. De plus en plus limitée, cette réforme se dirige vers le maintien de l’existant, y-compris des filières.

Le ministre du pouvoir d’achat (!)

La forme

Le ministre insiste ensuite sur l’amélioration du pouvoir d’achat des enseignants, dont le faible niveau est pointé régulièrement dans les comparaisons internationales : plus d’HSA, l’annonce d’un « observatoire du pouvoir d’achat des enseignants », et une revalorisation du début de carrière (1000 euros par an à la fin du quinquennat, mesure déjà commencée par le développement de la primer REP (sic)).

Le fond

En dehors des HSA, les autres annonces restent très floues.

Ce que l’on peut en dire!

L’augmentation du nombre des heures sup. pour améliorer le niveau de vie des enseignants est une vieille recette de la droite au pouvoir. Un calcul caricatural, car la possibilité de prendre des heures supplémentaires est souvent absente (temps partiels, HSA qui dépendent des besoins dans une discipline donnée et pas une autre, impossibilité dans le premier degré …).

Et le remplacement …

La forme

Puis vient le moment du remplacement, avec l’exemple donné par le ministre d’une enseignante croisée la semaine dernière, qui n’avait qu’un service de 10h au lieu de 18h !

Le fond

Aucune annonce sinon l’affirmation péremptoire que l’on peut faire beaucoup mieux pour améliorer le remplacement.

Ce que l’on peut en dire!

Si l’on pourra toujours trouver quelques exemples d’enseignants en sous-service de 8h, il faut tout de même avouer qu’ils sont plus que rarissimes ! Des sous-services de une à deux heures sont plus communs (mais très limités en nombre quand même) et ne pourront jamais être totalement supprimés, sauf à aller faire faire des compléments de une ou deux heures à plusieurs heures de son établissement. C’est irréaliste.
De plus il ne s’agit pas ici du problème du remplacement, mais des affectations à un service annuel.

Conclusion

On peut voir qu’aucune nécessité ne vient justifier dans le discours du ministre la baisse du nombre d’enseignants et des personnels administratifs. Il explique qu’il a réussi à limiter la casse, ce qui n’est sans doute pas complètement faux pour le primaire.

suppressions de postes

Pour le reste, il ressort de vieilles recettes qu’il avait déjà administrées lors de son premier passage au ministère sous Nicolas Sarkozy: les heures supplémentaires et l’obligation du forte du remplacement. Le choix de l’annonce initiale dans le Figaro n’est sans doute pas dû au hasard !

Pour les enseignants du 2nd degré de l’académie d’Amiens et pour les personnels administratifs la rentrée 2019 s’annonce donc très difficile avec une amplification de la surcharge de travail pour toutes et tous et des effectifs des classes pléthoriques qui devraient (encore) s’amplifier.

La répartition académique  des suppressions de postes sera connue autour des vacances de Noël.


Le communiqué de la fédération des Sgen-CFDT

Des choix budgétaires au détriment des conditions de travail des agents.