Lors des discussions préalables à la réforme du baccalauréat, le Sgen-CFDT avait porté le principe de séparation des temps d’apprentissage et des temps de certification du bac.
À la veille d’une mise en œuvre précipitée dès la rentrée prochaine, où en est-on ?
Pour le Sgen-CFDT, il est essentiel de
- s’atteler à donner du sens aux apprentissages malgré les nouvelles contraintes,
- limiter le stress des élèves,
- rendre supportable la charge de travail des enseignant·es et le calendrier des équipes de direction.
Un Bac en trois blocs de « procédures »
Le ministère a construit une évaluation en 3 « blocs » qui peuvent se compenser (il faut obtenir une moyenne de 10/20) :
- Le bloc des 5 épreuves terminales (français, 2 spécialités, philosophie et Oral), qui comptent pour 60 %,
- Celui des 3 séries d’épreuves communes (« épreuves communes de contrôle continu » = E3C), qui comptent pour 30 %,
- Et celui du bulletin, qui compte pour 10 % : c’est la moyenne des notes de chaque discipline (sans coefficient), y compris les options, sur les 2 années du cycle terminal.
À noter que l’on peut rajouter au total obtenu les points au dessus de la moyenne (multipliés par 3) pour les notes de la seule option LCA.
Ces définitions de blocs d’épreuves sont déterminées par leur type de passation, et non par leur contenu ou par les compétences attendues (sauf l’épreuve d’Oral – et encore…)
Pour les élèves, elles constituent donc un long parcours d’obstacles qu’il faudra franchir, avec un stress quasi permanent « de la note ».
Pour les équipes enseignantes, le sens à donner à cette multitude d’évaluations va s’avérer complexe : d’une part les temps d’apprentissage seront de fait confondus avec le temps des notes du bulletin, qui compteront pour une part (certes faible, pour chaque matière prise isolément…) dans la certification finale. D’autre part, les questions d’articulation des contenus et compétences avec les autres épreuves se poseront : doit-on évaluer d’autres compétences sur ces temps-là, ou bien en faire des temps d’entrainement aux diverses épreuves ?
Pour le Sgen-CFDT, les réponses à ces questions sont fondamentales car elles vont orienter les pratiques pédagogiques des enseignant·es, qui ont comme seul objectif de faire réussir les élèves, et donc de faire réussir leurs élèves aux diverses modalités d’examen. Il y aura donc bien évidemment risque de bachotage permanent…
Épreuves communes de contrôle continu :
Quelle « valeur certificative » ?
Le choix du ministère impose un cadrage strict sur le bloc des « épreuves communes de contrôle continu » (E3C) et les fait rentrer de fait dans les temps de certification (et non dans les temps de formation) : il faut donc prévoir et organiser des périodes pendant lesquelles les élèves sont dans des conditions sereines pour passer des épreuves de bilan, et garantir les temps de concertation et de correction des enseignants concernés.
Pour le Sgen-CFDT, la succession de trois temps dédiés sur le cycle terminal doit être compris comme des temps de bilan/photo d’attendus explicites : attendus de contenus disciplinaires et attendus de « niveau de maitrise » de compétences identifiées.
Les banques de sujets
Les banques de sujets devront tenir compte de ces aspects, en proposant des sujets :
- Portant sur des parties de programmes différentes (dans un enseignement) pour laisser aux enseignant·es la liberté de construire leurs cours de façon diversifiée, adaptée aux élèves mais aussi aux contraintes des établissements (par exemple, ne pas commencer par les mêmes chapitres pour des raisons de matériel de TP, pour des questions d’actualité…)
- Identifiant clairement les compétences évaluées (au-delà des intitulés des épreuves, les sujets devraient indiquer parmi la liste des compétences imposées dans les programmes, celles qui sont évaluées en E3C : cela permettra aux enseignant·es de distinguer et d’équilibrer entre ce qui sera des entrainements à ces épreuves et ce qui sera des validations des autres compétences des programmes (exemple : l’oral, les TP, la recherche documentaire, les savoir-être…)
- Permettant sur l’ensemble des disciplines évaluées en E3C de valider des compétences variées (par exemple, l’oral en Langues Vivantes, l’écrit en Français, la synthèse en Histoire-Géographie…)
- Correspondant à un même niveau de maitrise pour une E3C donnée (niveau 1 pour l’E3C1 (de fin de 1er semestre de 1ère), niveau 2 pour l’E3C2 (en fin d’année de 1ère), niveau 3 pour l’E3C3 (de fin de 1er semestre de Terminale). Le niveau de maitrise attendu pour l’E3C de la spécialité abandonnée doit donc être calibré sur un niveau correspondant à 1 an de travail (niveau 2). Cela doit permettre des apprentissages progressifs, et de valoriser les progrès.
Quelles modalités pratiques ?
Ces temps étant « sacralisés » par des pratiques d’anonymat, d’harmonisation…, ils auront donc une valeur symbolique importante pour tous les acteurs (élèves/familles/enseignant·es) et demanderont une certaine organisation formelle. Même si les temps d’épreuves prévus sont « limités », cela nécessitera des temps de concertation avant les épreuves, non seulement pour choisir le ou les sujets, mais aussi pour se répartir les copies entre collègues qui n’ont pas les élèves, pour discuter des critères des barèmes, puis des temps de correction après les épreuves, et enfin d’harmonisation des notes entre équipes…
Ces périodes ne pourront donc pas être simplement substituées aux cours ordinaires et devront être reconnues en décharge horaire ou en indemnitaire.
Le Sgen-CFDT propose que les établissements utilisent ces périodes pour réorganiser la vie de l’établissement autrement avec des temps d’orientation pour les élèves de 2nde, des temps de stages, de sorties, d’entretiens individualisés…
Options et spécialité abandonnée :
quelle valorisation dans le diplôme final du baccalauréat ?
Le Sgen-CFDT prend acte de la suppression des notes d’options qui comptaient « en plus » pour l’obtention du baccalauréat : le choix par les élèves des options sera sans doute plus conforme à leurs goûts qu’à des considérations autres (utilitarisme, anxiété des parents, dérogations…) Et les collègues pourront aussi y gagner en qualité de pratiques pédagogiques.
Mais uniquement à la condition que ces options puissent être identifiées et valorisées (et pas seulement avec les notes délivrées sur la « collante » : aucun employeur ne demande jamais une collante, alors qu’il demande le diplôme). Cette valorisation peut être faite de façon simple (et souple) par un supplément au diplôme, qui serait délivré par l’établissement et annexé au diplôme : sur le principe de ce qui se fait dans l’enseignement supérieur, ce supplément pourrait en particulier rendre visible le parcours de l’élève, non seulement par les options suivies ainsi que la 3ème spécialité, mais aussi éventuellement en attestant d’un niveau (certification de langue par exemple), d’un projet (pour les options artistiques), et être le lieu d’identification de l’engagement des élèves (parcours citoyen).
La délivrance par l’établissement lui donnerait un caractère officiel, mais souple, et aurait pour objectif essentiel de montrer la diversité des parcours des élèves. Un tel supplément permettrait aussi d’y faire rentrer les divers dispositifs « dérogatoires » qui aujourd’hui rajoutent des mentions sur le baccalauréat (par exemple pour les sections européennes) : ces mentions distinguent certes des élèves qui ont suivi des enseignements particuliers, mais surtout qui ont eu la chance d’être scolarisés dans les rares établissements qui les proposent. Or, tous les élèves ont des opportunités dans leur établissement de suivre des parcours d’excellence.